Le père d'Ali nous reçu tel un vieil homme plein de vitalité et de bonheur de revoir son fils. Il remercia le Capitaine qui était descendu pour le saluer.


Hajji : 1986 Rami Nord Est du Kenay Photo Guy RUS

Ici, encore une fois existe le paradoxe du fils de retour chez lui qui ne rêve que de grandes villes au grand damne de son père et du Frenchi, que je suis, qui trouve une sérinité à aller dans le désert à la rencontre d'une famille qu'il ne connaît pas encore. 

Je révèle au père d'Ali la nature de ma visite et de l'histoire que je viens d'écrire dans ce blog. Nous sommes tous assis sur une paillasse à partager le thé. La femme d'Hajji riait aux éclats et remerciait Allah d'avoir prit soin de nous et de nous avoir amenés ici tout entier.

Hajji me prenant à part, me demandait exactement ce dont j'avais besoin.

Il me dit que j'aurais tout ce que je lui ai demandé; et que si je réussissais ma mission et revennait en entier, je serais considéré comme un Somali de la tribu des Dégodias, de la Famille des Jibrael.

A ma question : combien voulait-il que je paie ses services?
 
il me répondit : rien !

Il me dit aussi : j'irai parler au Commandant du Fort pour t'obtenir un passe qui t'autorisera à être l'invité de ma Famillesans durée dans le temps. 

La famille d'Hajji se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de Ramu.

Ensuite, Hajji me mis en garde sur les dangers en tous genres auxquels je risquais  d'être exposé.

Aujourd'hui allait commencer la cérémonie de l'Anniversaire des 10 ans de Pouvoir du président Kenyan Arap Moï.

Je devais me montrer et surtout ne pas me cacher. Je devais prendre des photos mais surtout laisser ma caméra de côté et ne rien dire sur mon intention de filmer.



Chants Traditionnels à Ramu 1989 à l'occasion de l'anniversaire des 10 ans de pouvoir du Président Kenyan 

Jeu traditionnel s'apparentant à l'enclume, le ciseau et le marteau.

Photo Guy RUS

Hajji prenait un gros risque en m'aidant.

Mais un religieux comme Hajji, fier et dont le courage lui valu de nombreux faits d'armes lors de guerres tribales, se devait de m'aider pour accomplir ma mission.

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Cette Mission, comme il l'a nommée, est vue par Hajji et son clan, comme une forme de Rituel Initiatique destiné à me faire passer de l'âge  de Guerrier à l'âge Adulte, ou j'apparaîtrai comme un homme responsable dont l'avis sera désormais écouté au sein du clan. 

Ce qui veut dire aussi, avoir du bétail, des femmes et des enfants. Cette 2ème partie allait attendre encore un peu, du moins pour les femmes à marier.
 
Ce rituel de passage,  appelé aussi passage d'âge pour un Guerrier Somali , nécessite de partir vers une région inconnue, puis de survivre et de tuer un Lion ou un ennemi et de montrer ainsi ses capacités et son courage. 

C'est comme à koh Lanta, sauf que là on n'a pas le droit de dire "pouce". L'erreur à ne pas commettre ici est de ne pas être renvoyé du jeu.

Une mauvaise décision peut avoir des conséquences tragiques. On risque de se retrouver avec une balle dans la nuque; enlevé ou mis en prison pour un petit moment. Ici, les épreuves n'ont rien à voir avec une course athlétique en pirogue ou autre.

Ici, dans le Nord-Est du Kenya, il fait 40°C à l'ombre, la guerre n'est qu'à une petite centaine de Km, les shiftas se déplacent en maîtres dans ces régions, volant et tuant pour ne pas laisser de témoins; les animaux sauvages comme le lion, le chat Serval, les serpents comme les mambas, les arthropodes comme les scorpions ou les araignées, les maladies comme la malaria, les amibes, l'eau, la nourriture et j'en passe..., guètent les habitants de ces régions. 

L'espérance de vie n'est pas élevée, mais elle n'est pas due seulement aux maladies, à la malnutrition. 

Les causes de mortalité sont plutôt fortement liées à l'activité guerrière ou à la malaria, ou aux animaux sauvages, ou aux arthropodes comme les scorpions...

Pour les initiés qui ont réchappé à tous ces pièges de la vie, on trouve fréquemment des centenaires.

Dans ces régions tout est réel.

Pour les Somalis, ma mission, comme l'appelle Hajji,  correspond à "l'Initiation" demandée à ceux qui ont l'âge de passer dans le clan des adultes.  

La similitude est grande. Je vais dans un endroit inconnu et mon Lion ou ennemi sera le film que je réussirai ou non à faire. Comme le lecteur le verra, la partie n'est pas gagnée et je ne suis pas encore sorti du pays avec mon film.

Belle promotion. 

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Elle n'est pas si différente de l'acceuil qui m'a été fait à mon retour en France.
 
En effet, j'ai présenté mon film au Muséum National  d'Histoire Naturelle dans l'Amphithéâtre  de la Galerie de Minéralogie, équipé d'un projecteur 16mm. 

Au début de la projection, l'Amphithéâtre était vide. J'étais seul avec le célèbre Ethnologue Jacques Barreau, malheureusement peu connu du grand public, qui avait accepté de visualiser mon film. 

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En effet, mon ami Erik Gonthier,  éthno-minéralogiste au Muséum National d'Histoire Naturelle, grand spécialiste des Papous et des haches en Jade, Paléomusicologue, Gemmologiste, a eu l'immense honneur de remettre en tant qu'Ambassadeur Extraordinaire  une de ces haches à François Mitterrand à la demande d'un chef Papou au retour d'une de ses expéditions en Irian Jaya. 

C'est à Erik que je dois d'avoir fait la connaissance de Jacques Barreau.

Erik Gonthier remettant officiellement à François Mitterrand une hache Papoue de cérémonie en Jade le 2 décembre 1982 dans le salon officiel de l'Elysée. Il est entouré de Mrs Patrick MICHEL, Henri-Jean SCHUBNEL.



A la suite de cette cérémonie officielle à l'Elysée, François Mitterrand se décidait à acheter la prestigieuse collection Deleff des Cristaux Géants venant du Brésil  pour le Muséum National d'Histoire Naturelle, sous la barbe des prestigieux musées de New-York et de Londres. Cette acquisition est en fait achetée dans le cadre des Travaux du Président de la République.

La femme de M. Ilia Deleff est une Française et de plus l'héritière des Moulins de Paris, si bien que dans le coeur de Deleff, la France avait sa préférence pour accueillir sa fabuleuse collection encore visible au Jardin des Plantes de Paris.

Cette exposition a ouvert ses portes le 23 mars 1983.

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Au fur et à mesure de la projection, la salle se remplit. A la fin de mon film l'Amphi était presque complet.

J'ai eu le droit à des applaudissements soutenus des spectateurs qui s'étaient invités à la projection alors qu'elle était supposée être privée.

Après avoir visionné mon film, Jacques Barreau me demanda  si j'étais intéressé d'entreprendre un DEA sur la Corne Africaine.

Il se proposa d'être mon Tuteur et me fit sur le champ une carte pour accéder à la prestigieuse Bibliothèque Centrale du musée et aux collections se rapportant au sujet.

Il me présenta à la Directrice de  l'Ecole Pratique des Hautes Etudes pour une prochaine inscription.

Malheureusement, ce Grand Homme torturé pendant la dernière Guerre à cause de ses engagements forts, ne lui permit pas de vivre assez longtemps pour que je puisse devenir un de ses disciples.

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Loin de connaître l'aboutissement de mon périple et de  l'intérêt  Ethnographique que mon film allait susciter auprès des milieux scientifiques, je gardais confiance à ma petite voix qui m'a mis dans la tête de percévérer dans ce projet. 

Pourtant je n'étais pas au bout de mes peines.

La journée se passait dans la joie et les rencontres. Hajji me présentait à tous les officiels qui m'avaient réservé une place VIP sur les strapontins.  Les festivités étaient à la hauteur de l'évènement. 

A la fin de la journée, Hajji vint me voir. Il me dit d'un air très satisfait: 

"J'ai pu obtenir le passe qui te permettra officiellement d'aller dans le Bush voir ma famille". 

Hajji avait beaucoup de bétail, une 2ème femme et une fille de 12 ans, la demi soeur d'Ali. 

Sa 2ème femme et sa fille vivaient dans le Bush avec la famille de ses oncles et tantes, cousins... au total une quarantaine de personnes qui prenaient soin d'un cheptel important de chameaux, chèvres et boeufs.

Un des frères d'Hajji, Yuseff, était venu à Ramu pour se ravitailler en farine, thé, sucre, tissus....

Hajji me fit faire sa connaissance.

Yuseff me dit:

"Nous partirons en brousse demain matin à 3 heures, afin d'être loin, lorsque la chaleur du jour se fera sentir".